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Du dévoiement managérial dans des institutions du secteur social. 

Des dirigeants d'établissements se draperaient des formes managériales si égocentrées que le sens institutionnel de leurs missions en serait même dissipé. Ils seraient devenus si sourds et si aveugles aux équipes et aux usagers, témoignent leurs collaborateurs, que ces derniers ne les croient plus en capacité de faire face aux enjeux sociaux et politiques actuels appelant à plus de cohésion et de bienveillance – non feinte ! - en modes d’action plutôt horizontaux. C’est ici un constat de plus en plus partagé dans le secteur social comme l’illustre cette situation vécue ce matin-là :

"Des formateurs et professionnels de terrain – venant d’établissements différents - devaient se rassembler pour préparer une rencontre internationale. En tout début de réunion, ils apprennent que l’une des personnes attendues n’a pas pu se rendre disponible. Elle aurait reçu ce matin-là même une convocation de sa hiérarchie l’invitant à un point d’urgence à la suite des doléances rapportées par une collègue de bureau... Et ce ne serait pas la première convocation ! Cependant, à chaque fois, ni elle-même ni sa victime présumée ne se reconnaissent dans les propos du manager. Elle ressort toujours de ce "point" avec le sentiment que ce dernier cherche à lui trouver un ou plusieurs motifs nonobstant ses probants états de service... »

Nous en apprendrons bien plus autour de la table ce jour-là. En effet, plusieurs collègues étaient déjà au courant de cette situation, source de stress et de fragilisation pour la concernée... Cela suffisait pour qu’une discussion s’engage entre participants à la réunion, ceux-ci s’épanchant, les uns après les autres, sur leur souffrance en institution.

Les situations rapportées sont des actes de nature administrative, relationnelle, psychologique, symbolique… commis surtout par le manager. Elles étonnent avant tout, comme le feront remarquer nos collègues nord-européennes, par leur caractère violent et radical, et surtout plutôt intentionnel que spontané. Il s’agit bien des atteintes personnelles, sans aucune circonspection.

En outre, les témoignages impressionnent par leur ressemblance et leur récurrence, mais surtout par leur renvoi à un type de management tenant des modes de fonctionnement personnifiés, à travers la référence systématique au manager en différents actes (professionnels) à accomplir. On pourrait résumer cela par la formule suivante "l'institution, c'est moi !". En effet, la validation des actes, postures, décisions, discours… passe toujours par l'évocation de la proximité réelle ou fictive avec le manager ! Assuré de cette légitimation, celui-ci affiche comme pour [se] convaincre d'être à la bonne tâche, les formes organisationnelles des plus bureaucratiques... Cependant, il s'y adonne de manière si emphatique - de plus sans lien avec le cœur même de l'activité - que l'arrière-plan narcissique s'en trouve à peine dissimulé. Les agents, quant à eux, contraints ou acquis par le jeu de l'intéressement, servent de rouage à un système au fond bien plus égocentré qu'il n'y parait vraiment. On est alors en droit de se demander pour qui nous travaillons et au nom de quoi ou de quelles valeurs, avancent quelques-uns de nos collègues.

Ainsi, des établissements seraient sous l’emprise d’une gestion à la merci du seul confort du manager dont les affects et les affinités, mais aussi les affabulations, viennent se lover au cœur même du fonctionnement institutionnel, parasitant activités et procédures... Serait-ce là une version de l’hyper-individualisme contemporain dans nos institutions du secteur social ? En tout cas, ce n’est ni plus ni moins qu’un dévoiement des dispositifs censés inscrire l’Humain dans nos espaces de vie ! Heureusement, il y a encore la manne publique pour faire tenir nos baraques, mais cette dernière ne devrait pas servir à la distribution de "bonbons" et autres "diableries" propres aux jeux de cour. Voilà encore un aspect du dévoiement managérial faisant fi des fondamentaux dans un ensemble de coopération…

De l'âme, il n'y en a plus depuis fort longtemps, conviennent d’autres collègues... Circulez, ici on gère ! Et attention, on gère bien, c'est-à-dire on "manage", littéralement « on fait le ménage »… pour ne pas être démasqué, comme sur une scène de crime !

Les esprits apeurés finissent par ramollir dans nos institutions. Ils se consument avant de se clientéliser, pour pas mal d'entre eux : ils essaient de se sauver du système devenu iatrogène ! Ils se transforment alors, consciemment ou inconsciemment, en agents chargés de masquer le climat entropique régnant. Ils deviennent des ombres d'un théâtre institutionnel en perte de sens, des abonnés au bal des vampires pour les moins nantis en valeurs... Allez donc questionner les salariés et les usagers pour constater le niveau d’errance organisationnelle et de vacuité sémantique derrière les affichages.

« Le propre de la médiocrité c'est de se croire supérieure », disait Monsieur de La Rochefoucauld. Et oui, par-dessus tout, un égo-manager ne se prend pas pour n’importe qui : il sait tout et il est au-dessus de tout. Au fond, il ne s'agit autre que d'une mythomanie de survie avec ses poussées sacrificielles, destinée à fabriquer de façon cyclique du bouc émissaire : une forme de vampirisme... Une collègue ce matin-là disait justement : « Je vis mon institution comme un bal de vampires où l'intégrité de belles âmes s'étiole peu à peu » ! Nos institutions seraient donc devenues psichophage.

Ainsi pris à leur propre jeu de scène, les égo-managers ne se rendent plus compte qu'ils ne dupent personne, pas même leurs déboussolés larbins, prompts aux viles besognes pour masquer leurs propres errances... Après tout, des égo-managers, ils tirent bien quelques lauriers qu’on ne leur attribuerait nulle part ailleurs ! C’est pourquoi, témoins actifs ou passifs, ils ferment les yeux sur les petits meurtres égo-manageristes. Pour autant, des petits cadavres jonchent les placards. Et malheur à celui qui irait en ouvrir les portes : son sort est déjà scellé, de toutes les façons, insiste cet autre collègue. Tel est le syndrome de la psychophagie en institution sous la houlette des égo-managers.

Le malaise touchant le secteur ne vient pas que des politiques trop souvent considérées comme réifiantes, mais aussi de ces institutions psychophages ou mangeuses d'esprits, si ce n’est d’âmes ! D’ailleurs, les travailleurs sociaux libérés des rets institutionnels le disent à qui veut l’entendre : « l'institution a perdu de son âme », « je n'y retrouvais plus les valeurs qui m’y avaient conduit », « j’y ai subi trop de violences » ... « C’est pour cette raison que je préfère être travailleur indépendant…Je retrouve ainsi le sens de mon activité » !

Les égo-managers, par sophisme managérial ou essoufflement personnel, peut-être débordement d’orgueil ou crainte de ne pas être à la hauteur des enjeux, restent accrochés aux formes et apparences organisationnelles réifiées par les acquis d'un passé expérientiel idéalisé et peut-être simplement fictif. Le pire, c’est qu’ils semblent avoir tourné le dos aux fondamentaux du champ social déjà bien écorché. Des institutions, ils en ont fait des microcosmes à l’aune de leurs seuls égos !

Tag(s) : #Politiques sociales, #Travail Social, #Psychologie, #sociologie
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