"Cameroun Livres" nous annonce sur sa page Facebook la disparition de Henri Lopes, écrivain congolais de Brazzaville.
Homme de lettres et de culture, il le fut assurément. Plusieurs de ma génération lui restent reconnaissants d'avoir été un genre de "pédagogue" en ces années de mes souvenirs : les années 70. Il le fut vraiment, pour nos jeunes esprits de collégiens en quête d'avenir. Le portefeuille de ministre de l’Éducation allait si bien à notre aîné ! Nous le percevions à travers ses écrits tels que Tribaliques, Sans Tam-Tam... comme la luciole de nos espérances, en subtile dissonance avec nos réalités quotidiennes. Le frère était là donc ! Mais aussi le père, celui que nous côtoyions à la sortie du collège, attendant sa fille... D’ailleurs, il n'était pas le seul des hommes au pouvoir ! Mais lui était différent à nos yeux : un écrivain, un intellectuel, un éclairant... pour nous un ouvreur de possibles individuels et même collectifs. La preuve, ce credo contre l’obscurantisme tribal qu’il co-écrivit avec l'inégalable artiste et interprète engagé Franklin Boukaka : Ata ozali. Un chef d’œuvre des chants engagés de la rumba classique congolaise (arrangé par Manu Dibango) !
Nous étions tout heureux que l'auteur de Tribaliques, le ministre... daigne se pencher sur nos velléités d’écrivaillons… Sans doute un signe de sollicitude, plusieurs fois éprouvé, lorsque nous l’attendions devant chez lui pour entendre son verdict sur nos audacieux écrits transmis quelques jours auparavant : sont-ils publiables ou non... Nous repartions avec nos petits manuscrits sertis de remarques d’un bon enseignant, celui qui vous met en chemin. Et nous y croyons plus que jamais ! C’était du temps où un simple citoyen pouvait spontanément sonner à la résidence privée d’un ministre et demander à lui parler; l'homme politique vivait à découvert, derrière une clôture de claie bien ajourée !
Parti très jeune du pays, je n’ai plus eu de regard direct sur la vie politique congolaise. Je sais cependant que, depuis les années 70, les populations congolaises ploient sous une gouvernance entachée d’errances et de violences en tout genre. Des turbulences révolutionnaires d’hier aux outrances ethnico-affairistes d’aujourd’hui, le pays n’a cessé de voir s’éroder sa dynamique d’Etat-nation. Mais alors, beaucoup s’interrogent, comment le grand-frère a-t-il pu s’accommoder de pareilles situations ? N'aurait-il été qu'une "caution symbolique", en vertu de son niveau d'éducation ou de son phénotype - dont le capital "Blanc" est un cumul de superlatifs humains, selon l'ordre colonial ?
Oui, "Blanc" comme « Monsieur Gourdain », un des héros de son roman Le pleurer-rire : figure bien réaliste du tristement connu Monsieur Foccart, faiseur de roitelets sur le continent... Il semblerait donc que Lopes n’ait pas pu échapper à l’impasse france-africaine, comme tant d'autres de nos congénères : les « anti-Sisyphe », ceux-là qui ont fait le choix de garder la pierre dans la vallée plutôt que de la rouler jusqu’au sommet de la montagne, essayant de la faire basculer sur l’autre versant ! A la lecture de quelques-uns de ses écrits : Tribaliques, Le pleurer-rire… la dénonciation et la condamnation des régimes corrompus et malfaisants paraissent sans équivoque. Mais il ne s’agit ici que d’œuvres fictionnelles ! Néanmoins, elles sont si bien incarnées dans nos espaces-temps de vie.
Comment concilier l’écrivain et le politique ? Il est une évidence à mes yeux, Henri Lopes n’aura pas été un « politique » au fond. Plutôt un « technocrate », et encore! Ne dit-il pas lui-même qu'il ne s'en est jamais trouvé ni les qualités ni le caractère, et encore moins la conscience. Dans ces dernières interviews, il ne fait pas mystère de ce qu'auront été ses limites en politique ! Le frère n’aura été en réalité qu’une personnalité de la société civile « appelée » à exercer de hautes fonctions dans l’administration de l’Etat. En vérité, il n'aura été qu'un « rêveur de patrie », à l’image d’André, le héros de son roman titré : le chercheur d’Afriques… Ainsi languissent et s’éteignent les étoiles dans la galaxie de la France africaine, comme une comète avec sa trainée luminescente, pourtant en pleine évanescence. Son dernier ouvrage : Il est déjà demain, promet d'être plus éclairant sur le sujet. En effet, l'auteur y avance démasqué, sur près de 500 pages (Henri Lopes - À l'Affiche ! (france24.com).
Monsieur l’ambassadeur ! Plutôt Monsieur le directeur adjoint de l’UNESCO, qui nous valut, aux côtés du sénégalais Amadou Mahtar Mbow (le directeur général), les célèbres volumes de L'histoire africaine, ayant enfin intégré les trouvailles de Cheikh Anta Diop (du Sénégal) et de son principal disciple Théophile Obenga (du Congo-Brazzaville).